Farba NGOM ou la chute d’un homme du système

Farba NGOM ou la chute d’un homme du système
15/09/25 Moro

Le vernis de l’immunité parlementaire n’a pas résisté au fracas des révélations. Farba NGOM, ancien député-maire d’Agnam et proche parmi les proches de l’ancien président Macky SALL, se retrouve aujourd’hui au cœur d’un imbroglio judiciaire qui met en lumière les dérives d’une élite politique longtemps protégée par ses privilèges. Ce qui était encore, il y a quelques mois, une rumeur insistante sur ses pratiques financières douteuses, s’impose désormais comme une réalité implacable : l’homme est rattrapé par la justice pour des montages financiers obscurs d’une ampleur vertigineuse.

Le rapport explosif de la CENTIF : point de départ d’une descente aux enfers
Tout commence avec un rapport de la Cellule nationale de traitement des informations financières (CENTIF). Chargée de surveiller les flux financiers suspects, l’institution met au jour un trou béant : des transactions douteuses évaluées à 125 milliards de francs CFA. Des montants faramineux, sans justification claire, qui révèlent un système organisé autour du blanchiment, de la corruption et du trafic d’influence. Très vite, le nom de Farba NGOM s’impose comme l’un des principaux bénéficiaires de ce circuit parallèle.

La justice n’a pas tardé à réagir. Le parquet financier a sollicité et obtenu de l’Assemblée nationale la levée de son immunité parlementaire. Le symbole est fort. Un baron politique, longtemps intouchable, se voit brutalement arraché à ses privilèges. L’affaire, qui prend des allures de scandale d’État, n’épargne pas non plus Tahirou SARR, l’homme d’affaires sulfureux déjà impliqué dans l’affaire des 94 milliards. Ensemble, ils apparaissent désormais comme les figures centrales d’un vaste réseau de prédation financière.

Des accusations lourdes et accablantes
Les charges retenues contre l’ancien édile sont d’une gravité exceptionnelle : association de malfaiteurs, blanchiment de capitaux, escroquerie portant sur des deniers publics, corruption, trafic d’influence, abus de biens sociaux. La liste est longue et renvoie à un mode opératoire rodé où politique et affaires s’entrelacent pour mieux siphonner les ressources publiques.

En prison depuis le 27 février, Farba NGOM clame son innocence mais peine à convaincre. Ses manœuvres répétées pour obtenir une liberté provisoire apparaissent davantage comme des tentatives désespérées de sauver ce qui peut l’être que comme une démonstration de bonne foi. Ses avocats ont déposé, ce 7 avril, une troisième requête assortie d’une offre de caution de 44,8 milliards de francs CFA. Un montant colossal, qui témoigne surtout de l’ampleur de sa fortune et de son influence économique.

Mais au lieu d’inspirer confiance, cette offre interroge. Comment un simple élu local, ancien griot devenu notable, a-t-il pu accumuler un patrimoine immobilier estimé à plus de 43 milliards, réparti entre Dakar, Thiès, Rufisque, Ouakam et Ngor ? La disproportion entre ses revenus officiels et l’étendue de sa fortune crève les yeux. Derrière la caution se cache l’ombre d’une richesse bâtie sur le détournement systématique de deniers publics.

Deux affaires de détournements
Le dossier de Farba NGOM est d’autant plus lourd qu’il combine deux affaires distinctes. Dans la première, il est poursuivi comme complice présumé aux côtés de Tahirou SARR dans un détournement de 91 milliards de francs CFA. Dans la seconde, il est désigné comme auteur principal d’un autre détournement, cette fois estimé à 31 milliards.

Au total, c’est une somme vertigineuse de 122 milliards de francs CFA qui pèse sur ses épaules. Ces chiffres parlent d’eux-mêmes. Il ne s’agit plus d’erreurs de gestion ou d’irrégularités administratives, mais bien d’un système mafieux où les deniers publics ont servi à enrichir une caste.

Lors de sa première comparution, Farba NGOM avait proposé une caution de 34 milliards. Refusée. Aujourd’hui, il revient avec un arsenal plus conséquent de garanties foncières. Mais cette stratégie de surenchère immobilière ressemble à un marchandage indécent avec la justice. Comme si, à défaut de prouver son innocence, l’accusé tentait d’acheter sa liberté à coups de titres fonciers.

L’affaire Farba NGOM dépasse le cadre judiciaire pour devenir un symbole politique. Celui d’un système où l’argent et les réseaux ont longtemps dicté la loi. Ancien griot devenu homme de pouvoir par sa proximité avec Macky SALL, il avait incarné la réussite d’un fidèle récompensé par le régime de Macky. Mais cette réussite prend aujourd’hui des allures de conte à rebours. Ce qui semblait une ascension fulgurante se révèle être une accumulation de privilèges mal acquis.

Son arrestation fragilise aussi l’image de l’ancienne majorité présidentielle, déjà éclaboussée par des scandales financiers. Elle renforce le sentiment d’une classe politique déconnectée, plus préoccupée par l’accaparement des richesses que par la défense de l’intérêt général.

La nouvelle requête de mise en liberté provisoire sous prétexte d’une maladie a été rejetée la semaine dernière.

Céder aux sirènes de la caution reviendrait à envoyer un signal désastreux : celui d’une justice à deux vitesses, où les puissants peuvent toujours racheter leurs fautes. À l’inverse, maintenir Farba NGOM derrière les barreaux marquerait une rupture forte et salutaire avec l’impunité qui a trop longtemps régné.

Le cas de Farba NGOM illustre les ravages d’une culture politique gangrenée par l’argent facile et le clientélisme. Derrière les chiffres astronomiques se cache une réalité plus sombre.

La chute de Farba NGOM n’est peut-être que le premier acte d’un vaste nettoyage. Mais elle marque déjà la fin d’un mythe. Celui de l’intouchable baron d’Agnam, devenu le symbole des dérives d’une élite politico-financière en déroute.

Moro

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