
L’étude sociologique émanant de l’Institut Français au Sénégal, menée en mars 2025, met en exergue une dynamique inter-ethnique complexe et un différend mémoriel au sein du tissu socio-culturel sénégalais. Elle révèle une tension latente, voire manifeste, entre l’ethnie wolof, réputée pour sa prééminence démographique et culturelle, et les ethnies dites périphériques (Sérère, Peulh, Diola, etc.). Au cœur de cette discorde, se profile une lutte pour la légitimité historique et culturelle, qui, selon l’étude, confine à une entreprise de révisionnisme identitaire et de “génocide culturel” dirigée contre les Wolofs.
Vitalité Wolof et la Quête de Survie Ethnique
L’analyse souligne une prégnance wolof dans le panorama sénégalais, perçue comme un facteur menaçant par les communautés périphériques. L’argument central est que la langue wolof, par sa diffusion et son usage quasi-omniprésent, tend à oblitérer les langues vernaculaires des autres groupes. De surcroît, la culture wolof, par sa vitalité et son rayonnement, serait en passe de résorber les singularités culturelles des ethnies voisines. Cette perception d’une annexion culturelle rampante génère chez les groupes minoritaires un sentiment d’urgence existentielle. Pour conjurer cette menace et assurer leur pérennité, ces ethnies, dans une posture de défense, s’ingénient à délégitimer l’héritage wolof.
La stratégie adoptée, telle que décrite par l’étude, est multiple : elle va de la tentative d’occultation de l’histoire wolof à la dénigration de leurs figures héroïques, allant jusqu’à l’attribution fallacieuse d’éléments de l’histoire et de la culture wolof à des entités sérères ou peulhs. Cette réappropriation narrative, perçue comme “nébuleuse” et “révisionniste”, vise in fine à effacer l’ethnogenèse wolof et à déconnecter cette ethnie de l’histoire générale du Sénégal, dans laquelle elle occupe pourtant une place prépondérante.
L’Apathie Historique Wolof : Un Talon d’Achille ?
Un point nodal de l’étude est le constat d’une relative apathie historique chez une frange significative de la population wolof. Leur propension à se focaliser sur la religion confrérique et les activités laborieuses, au détriment d’une revitalisation de leur passé historique et culturel, les rendrait, selon l’étude, vulnérables aux entreprises de déstabilisation identitaire. Cette déconnexion mémorielle crée un vide que les “Wolofophobes” des ethnies périphériques chercheraient à exploiter en instillant des “contre-vérités” et en menant une véritable “entreprise de génocide culturelle”. L’étude met en lumière une asymétrie de conscience historique : tandis que certains Wolofs demeurent insouciants de ces “manœuvres”, d’autres, fort heureusement, s’abreuvent aux sources intarissables de l’histoire et de l’anthropologie, notamment via des plateformes numériques et des figures tutélaires.
Résilience et Défense du Patrimoine Wolof
Malgré ces tentatives de subversion identitaire, l’étude suggère une forme de résilience chez les Wolofs éclairés. Ceux qui ont une connaissance approfondie de leur lignée ancestrale, puisée dans une pléthore d’ouvrages historiques et anthropologiques, sont à l’abri de ces fabulations. L’étude propose d’ailleurs des pistes pour une reconnexion des Wolofs à leur passé glorieux, citant des personnalités comme Mame Guimar Diop et Amadou Bakhao Diaw, ainsi que des initiatives telles que Léppi Mbooru Wolof et la page Facebook “Wolof.com”, présentées comme des bastions de la vérité historique wolof.
Cette étude lève le voile sur une confrontation mémorielle et culturelle qui se déroule au Sénégal. Elle invite à une réflexion approfondie sur les dynamiques de pouvoir inter-ethniques, la construction de l’identité nationale, et les mécanismes de préservation du patrimoine culturel face aux forces centrifuges de la mondialisation et aux tensions endogènes. La “teranga sénégalaise”, souvent érigée en symbole d’unité et de cohésion, semble ici confrontée à des défis intrinsèques, où la quête de survie identitaire de certains groupes peut se traduire par des tentatives de déconstruction de l’altérité dominante.
Cette analyse, bien que percutante, soulève des interrogations quant à la nature des “contre-vérités” et la définition objective de l’histoire dans un contexte où les récits historiques sont souvent pluriels et façonnés par des perspectives ethniques et des enjeux contemporains. Comment les différentes ethnies peuvent-elles coexister harmonieusement tout en préservant leurs spécificités, sans que la vitalité de l’une ne soit perçue comme une menace existentielle pour les autres ?
J. SAMB